LA MACHINE CATHARTIQUE,
PAYSAGE DES PULSIONS
Projet de Fin d'Etudes avec Alexandra Gardner-O'Brien, sous la direction de Can Onaner, Mathieu Le Barzic et Eglantine Bigot-Doll
Ce projet convoque la catharsis sous un prisme cyclique, où le refoulement est perçu comme une fatalité qui mènera toujours au défoulement à un moment donné. L’édifice aborde donc la question de l’événement et du rituel, comme un espace-temps hors société, donné aux pulsions nées du renfermement.


Afin d’appréhender différents scénarios cathartiques, nous avons utilisé le dessin comme outil de recherche. A travers ces croquis, nous avons souhaité illustrer nos recherches théoriques en explorant d’abord l’idée de la place publique comme point d’accroche de la ville. Néanmoins, l’abstraction s’est progressivement installée dans une volonté de suspendre le temps et l’espace du lieu de l’événement cathartique. Finalement, nous trouvions intéressant de maîtriser le bâtiment en tant qu’élément autonome inscrit dans un processus d’auto-suffisance et moins de l’inscrire dans un contexte perturbateur. Dans ces dessins on retrouve plusieurs fois l’idée d’une plateforme de levage se déployant dans les airs, au-dessus de la ville, illustrant alors cette mise à distance. Dès l’instant où cette plateforme s’élève, elle quitte peu à peu le lien avec la société. Elle se suspend alors des lois établies, des tabous, et des dogmes moraux.

C’est donc à partir de ces dessins, recherches et de nos exploration autour du sujet que s’est dessinée la machine Cathartique. Automate autonome destiné à accueillir et théâtraliser les pulsions nées des frustrations. 
La machine peut prendre forme dans toute zone industrielle quelconque pour se nourrir de ce qui l’entoure. Elle vrombit, rugit, tremble, crisse, pareil à un ronflement qui se mêle aux bourdonnements des fabriques à proximité. Ses tuyaux tentaculaires s’étendent dans la zone et se connectent aux manufactures. Les matières entrent et sortent, alimentant les estomacs de l’engin. 

Un cycle s’entame et la foule commence à s'amasser autour de l’enceinte hermétique. Un portail discret voit s’accumuler la foule curieuse et semble aspirer mystérieusement la multitude d’êtres en son sein. Et au fur et à mesure qu’ils disparaissent, le vacarme interne s’intensifie.
Un à un, ils s’immiscent dans le cerveau, espace dans lequel les individus se connectent à la machine. Chacun s’isole dans une des cabines situées de part et d'autre du cerveau.
Grâce à un casque, l’engin détecte les pensées les plus intimes de chacun, lui permettant d’analyser leurs désirs et pulsions refoulées en matérialisant leur empreinte.
Représentation des décors crées par la machine
La machine va ensuite faire passer ces désirs et pulsions du psychique au physique, formant pour chaque individu connecté un décor différent, en fonction des refoulements qu’elle détectera en lui. Afin de spéculer sur ce à quoi pourrait s’apparenter ces décors, nous empruntons leurs matières aux tableaux surréalistes, qui expérimentent déjà la mise en image et en espace de la psyché.
Plan du rez-de-chaussée
Maquette concept du système d'impression des décors 
Ces matières sont stockées dans les estomacs autour de l’automate, et dans lesquels la machine puisera afin d’en imprimer des volumes. L’impression de ces volumes se produit à travers un système de pétrification. L’engin puise dans les matières qui exaltent de ses estomacs et les achemine jusqu’aux imprimantes. Une autre substance que l’on appellera matière blanche, elle aussi stockée dans les estomacs, est alors agglomérée aux autres matières puis  pétrifiée, figeant ainsi l’ensemble en un ou plusieurs volumes.
Acheminement des décors
Maquette concept de l'oignon
Croquis de recherche pour le concept de couches
Grâce à un système de poulie et contrepoids, elles sont suspendues et transférées au faux grill fixé à la structure du toit. Elles y sont stockés puis acheminés dans l’espace central, le cœur.
Couche par couche, l’oignon s’y dessine, suivant la temporalité du cycle cathartique.  Nous voyons alors ces couches comme des paysages qui se dévoilent en épaisseurs successives. Chaque strate est composée de couleurs et de textures qui matérialisent à la fois l’univers intime refoulé mais aussi ce qui l’ancre dans le réel à savoir la présence de l’eau, de la roche, du drap.
Matière broyée et débris aspirés
L’espace est alors pensé selon une temporalité en actes qui régit les différentes spatialités, ces actes sont analogues aux paternes  conventionnels de la tragédie  grecque.  Chacun d’entre eux s’inspire naturellement des références architecturales -la boîte, le confessionnal, le labyrinthe, l’arène- analysées et repensées  selon leur attache à  l’affluence.
Au fur et à mesure des couches brisées, les débris s’accumulent autour de la foule. Les tuyaux aspirent la matière cassée et la transmettent à des broyeurs qui vont la pulvériser. Un aspirateur central connecté aux tuyaux prévoit l’énergie nécessaire pour inhaler cette quantité phénoménale de débris. Une fois broyée, les débris forment une nouvelle matière, la matière cathartique, qui est recyclée par la machine. La destruction de chaque couche va donc participer à l’accumulation de la matière cathartique dans le cœur.
La boite marque la première strate du paysage des pulsions.  C’est l’aspect le plus isolé et le plus intérieur. Les fantasmes  et refoulements y sont intimes,  profonds, et dissimulés  à autrui. 
Le confessionnal est une  évolution du rapport intime,  dans lequel deux imaginaires  vont se connecter. L’architecture  offre ici la possibilité de cette rencontre à travers une interface conçue  pour préserver un état de confort  et ainsi mener à la confidence.
Le labyrinthe marque la fin de  l’hermétisme et de la quiétude.  La frustration survient et les  agissements comme l’espace s’en  voient altérés. Le défoulement  mute et devient alors davantage  physique.
L’arène  devient alors le réceptacle de l’accumulation  de cette frustration. L’espace  force l’amassement mais permet aussi la libération des pulsions. Les corps  se sont agglomérés et forment  une foule qui se décharge avec  violence.  
La Montagne représente l’état de  folie,  son  action marque  la chute de la  pièce. La cohorte, que l’espace ne  va plus ni contraindre ni frustrer,  va s’abandonner  à ses fantasmes  et continuer d’épancher ses  désirs dans un espace désormais affranchi bien que toujours cadré. 
Enfin, La Purge constitue  le dénouement ultime. La matière détruite et accumulée  se déverse désormais sur  la foule qui l'a créée et emporte avec elle les corps et les débris attestant l’achèvement de  l’évènement tragique. La foule a remplacé la matière, les estomacs sont vidés, la machine a terminé son cycle. Un bruit de bourdonnement léger résonne dans le cœur, provenant des entrailles de la machine. Soudainement,  les tuyaux commencent à éjecter la matière accumulée. L’engin reprend son cœur. Il expie.
 Maquette de la machine cathartique en plâtre, béton, plastique fondu
 La foule se voit éjectée du bâti, tel un amas vivant, suivie de très près par la matière inerte. Il est au tour de l’automate de se purger. Attestant la fin de l’événement tragique, pour laisser advenir celui qui suivra.
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