LA MACHINE CATHARTIQUE,
PAYSAGE DES PULSIONS
Projet de Fin d'Etudes avec Alexandra Gardner-O'Brien, sous la direction de Can Onaner, Mathieu Le Barzic et Eglantine Bigot-Doll
Ce projet convoque la catharsis sous un prisme cyclique, où le refoulement est perçu comme une fatalité qui mènera toujours au défoulement à un moment donné. L’édifice aborde donc la question de l’événement et du rituel, comme un espace-temps hors société, donné aux pulsions nées du renfermement.
Représentation des décors crées par la machine
La machine va ensuite faire passer ces désirs et pulsions du psychique au physique, formant pour chaque individu connecté un décor différent, en fonction des refoulements qu’elle détectera en lui. Afin de spéculer sur ce à quoi pourrait s’apparenter ces décors, nous empruntons leurs matières aux tableaux surréalistes, qui expérimentent déjà la mise en image et en espace de la psyché.
Ces matières sont stockées dans les estomacs autour de l’automate, et dans lesquels la machine puisera afin d’en imprimer des volumes. L’impression de ces volumes se produit à travers un système de pétrification. L’engin puise dans les matières qui exaltent de ses estomacs et les achemine jusqu’aux imprimantes. Une autre substance que l’on appellera matière blanche, elle aussi stockée dans les estomacs, est alors agglomérée aux autres matières puis pétrifiée, figeant ainsi l’ensemble en un ou plusieurs volumes.
Grâce à un système de poulie et contrepoids, elles sont suspendues et transférées au faux grill fixé à la structure du toit. Elles y sont stockés puis acheminés dans l’espace central, le cœur.
Couche par couche, l’oignon s’y dessine, suivant la temporalité du cycle cathartique. Nous voyons alors ces couches comme des paysages qui se dévoilent en épaisseurs successives. Chaque strate est composée de couleurs et de textures qui matérialisent à la fois l’univers intime refoulé mais aussi ce qui l’ancre dans le réel à savoir la présence de l’eau, de la roche, du drap.
Matière broyée et débris aspirés
L’espace est alors pensé selon une temporalité en actes qui régit les différentes spatialités, ces actes sont analogues aux paternes conventionnels de la tragédie grecque. Chacun d’entre eux s’inspire naturellement des références architecturales -la boîte, le confessionnal, le labyrinthe, l’arène- analysées et repensées selon leur attache à l’affluence.
Au fur et à mesure des couches brisées, les débris s’accumulent autour de la foule. Les tuyaux aspirent la matière cassée et la transmettent à des broyeurs qui vont la pulvériser. Un aspirateur central connecté aux tuyaux prévoit l’énergie nécessaire pour inhaler cette quantité phénoménale de débris. Une fois broyée, les débris forment une nouvelle matière, la matière cathartique, qui est recyclée par la machine. La destruction de chaque couche va donc participer à l’accumulation de la matière cathartique dans le cœur.
La boite marque la première strate du paysage des pulsions. C’est l’aspect le plus isolé et le plus intérieur. Les fantasmes et refoulements y sont intimes, profonds, et dissimulés à autrui.
Le confessionnal est une évolution du rapport intime, dans lequel deux imaginaires vont se connecter. L’architecture offre ici la possibilité de cette rencontre à travers une interface conçue pour préserver un état de confort et ainsi mener à la confidence.
Le labyrinthe marque la fin de l’hermétisme et de la quiétude. La frustration survient et les agissements comme l’espace s’en voient altérés. Le défoulement mute et devient alors davantage physique.
L’arène devient alors le réceptacle de l’accumulation de cette frustration. L’espace force l’amassement mais permet aussi la libération des pulsions. Les corps se sont agglomérés et forment une foule qui se décharge avec violence.
La Montagne représente l’état de folie, son action marque la chute de la pièce. La cohorte, que l’espace ne va plus ni contraindre ni frustrer, va s’abandonner à ses fantasmes et continuer d’épancher ses désirs dans un espace désormais affranchi bien que toujours cadré.
Enfin, La Purge constitue le dénouement ultime. La matière détruite et accumulée se déverse désormais sur la foule qui l'a créée et emporte avec elle les corps et les débris attestant l’achèvement de l’évènement tragique. La foule a remplacé la matière, les estomacs sont vidés, la machine a terminé son cycle. Un bruit de bourdonnement léger résonne dans le cœur, provenant des entrailles de la machine. Soudainement, les tuyaux commencent à éjecter la matière accumulée. L’engin reprend son cœur. Il expie.
Maquette de la machine cathartique en plâtre, béton, plastique fondu
La foule se voit éjectée du bâti, tel un amas vivant, suivie de très près par la matière inerte. Il est au tour de l’automate de se purger. Attestant la fin de l’événement tragique, pour laisser advenir celui qui suivra.